La famille
par
Témoignages interculturels sur le thème de la famille
Commencée en 2007 avec un premier livre de témoignages axé sur l’occupation domestique de la maison, poursuivie en 2009 avec un volume 2 plutôt sur les rapports avec le quartier et la ville ainsi qu’avec la langue française, la série des J’habite ici continue avec ce volume 3 qui s’intéresse à la famille. Rituels de naissance et étapes symboliques de la vie, organisation des mariages (choisis ou imposés), récits de vie riches en péripéties familiales, réflexions sur le statut de belle-fille, sur l’influence de la société de consommation, sur les difficultés d’exercer une autorité sur les enfants, sur la notion de réussite… Autant de questions débattues en plusieurs langues lors de réunions thématiques.
Thématiques :
La vie en famille
Zahra Z. : La vie ici, ce n’est pas pareil que là-bas. Ici, avec les enfants, on ne peut pas communiquer. Les enfants communiquent entre eux mais ils ne communiquent pas avec les parents. Ce qu’on a dans notre tête en tant que parent, ils ne l’ont pas dans leur tête.
Fatma C. : Mais pourquoi ? Parce que moi je vis les mêmes choses. Ce n’est plus comme c’était quand j’étais petite. Mais ça a aussi changé là-bas, ce n’est pas seulement du fait d’être venus en France et d’avoir nos enfants nés en France.
Zahra Z. : Des fois j’essaie de trouver des occasions pour réunir mes enfants autour d’un plat, d’un bon couscous, mais ils disent non, on mange dehors, on va prendre un sandwich. Et je vois la même chose chez les autres.
Zilfi K. : C’est partout pareil.
LIRE PLUSZahra Z. : Même quand on a des enfants ici, on ne le sent pas. Parce qu’on n’a pas les mêmes horaires, on ne les voit jamais, ça ne fait pas une vraie famille.
Ourdia M. : J’ai toute ma famille ici. Mes parents, mes frères et mes sœurs. Je vais quand même au Maroc pour voir mes grands-parents, les amis et le reste de la famille. C’est vrai que ça doit être difficile quand on n’a pas les parents à côté.
Françoise V. : Ici il y a les crèches et les garderies, des services pour tenter de remplacer l’entourage familial peu nombreux ou absent.
Ourdia M. : Quand il y a des places parce qu’on a essayé mais il n’y avait pas de place. Ou alors il faut ne pas travailler, pour garder ses enfants.
Fatima C. : Avant dans la famille il n’y avait pas que les enfants, il y avait les grands-parents, les tantes, les oncles, il y avait le soutien de tout l’entourage, c’était ça la famille. Les grands-parents participaient aussi à l’éducation des enfants, le soir ils racontaient une histoire.
Fatou N. : Mais ça c’était au pays, la famille, les grands-parents pour parler avec les enfants. Ici des fois on se met ensemble autour du salon pour parler de la vie de maintenant et préparer le futur. Ici les enfants vivent « à la française », et comme les parents ne comprennent pas le français, ils ne peuvent pas communiquer alors c’est un peu difficile. On vient ici en famille mais on vit séparés, on n’habite pas tous dans la même maison, on ne se voit que de temps en temps, à Noël, et parfois même pas à Noël. C’est pour ça que les femmes étrangères se sentent un petit peu seules. Les enfants partent à l’école le matin, on ne les revoit que le soir. C’est difficile.
Tamou R. : Je reçois mon fils tous les ans, qui vient me voir et sinon je téléphone à la famille, qui vit au Maroc. La vie c’est bien mais des fois on est contents, des fois on n’est pas contents, parce que la famille est loin. J’essaie d’apprendre le français mais c’est difficile. Mon petit-fils qui a onze ans me parle en arabe, il ne veut pas me parler en français parce qu’il dit que ça me fait monter la tension, parce que je ne comprends pas.
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